Déjà un quart d'heure que t'as le cul posé sur ton pieu, en position tailleur, tes mains maintiennent ta tête. Putain de mal de crâne. « Ton » pieu, non, pas exactement. C'est celui de Marius, mais c'est la même parc'que, ce qui lui appartient t'appartient aussi. C'matin au réveil, t'as découvert un mot, délicatement posé sur l'oreiller d'à côté. Mot qui t'as ramené plusieurs mois en arrière, souvenir datant du jour de votre rencontre. Écriture toujours fine et délicate, à l'époque il t'avait fait cadeau de son 06 accompagné du payement de l'addition, or, ce jour-ci, quelques mots, effet poignards acérés dans ton coeur. « Désolé Nana, voyage d'affaire de dernière minute, quand tu liras ceci je serai dans l'avion, direction NY. On se voit en rentrant, dans cinq jours ok ? Love, Marius. » La routine, quoi. Marius s'en va, te laisse la carte bancaire -avec le code évidemment- mais, toujours le même déchirement dans ta poitrine. Comme une sensation d'abandon. Bien sûr, pas besoin de t'faire un dessin pour piger que les affaires, c'est les affaires. Pour te combler de diamants et de robes hautes coutures, faut du fric. Le pire, c'est que t'ignores en quoi consiste réellement son job, t'sais juste qu'il est amené à voyager régulièrement -pour n'pas dire tout le temps- à l'étranger, pis, t'as pas cherché à en savoir plus faut dire. Et pendant ce temps, toi, tu profites de ta liberté. Vagabondant à droite et à gauche, ton ancienne vie te reconquis, celle que tu as laissé de côté pour vivre au rythme de ton.. petit-ami. Ces mots sonnent faux, -même dans ta tête- comment toi, t'as pu te laisser embarquer dans une relation sérieuse comme celle-ci. Tu n'as pas la réponse à la question, tu laisses ton coeur décider, et pourtant, tu sais que tu n'es pas amoureuse de lui. Sauf que, flemme de torturer l'esprit à comprendre le pourquoi du comment, analyser tes sentiments. Soudain, comme une envie pressante, un besoin de bouger. Ne pas rester prostrée à rien foutre de la journée, d'un bond tu te lèves, t'enfiles une tenue décente -enfin ça dépend pour qui, et t'attrapes une pile de bouquin qui prend la poussière à côté du canapé. Entre ton index et ton pouce tu tiens le marque page qui sert aussi de rappel "livre à rendre à la bibliothèque universitaire avant le..", merde, date passée, urgence de la ramener. Voilà, t'as trouvé une occupation pour ne serait-ce qu'une heure.

Enfin, tu débarques sur le campus. Droit devant, un seul objectif, le regard fixe. Direction la biblio. Tu dépasses une bande de beaufs qui te fait de l'oeil, te voici transformée en l'illumination de leur journée. Ils louchent sur tes jambes dénudées, lorgnent sur ton décolleté pourtant pas si dégagé. Tes yeux se lèvent aux cieux, royalement tu les ignores, bah, l'habitude que voulez-vous. Rapidement t'apportes la pile de bouquin au secrétariat, la grosse dinde derrière son bureau met bien quinze minutes à checker le tout. Enfin t'es libre de partir, sauf que t'as nulle part où aller. Alors tu décides d'aller flâner dans les rayons, sniffer l'odeur des vieux bouquins, lire les résumés des romans à l'eau de rose, et puis découvrir la fin des romans policiers. Mais, d'un coup, assis à une table une silhouette t'es familière. Tu l'aurais reconnue entre mille, alors, tu t'approches. « Tiens, JS, depuis quand tu sais lire toi ? » Sourire, yeux complices, tu es heureuse de le revoir, ça faisait un bout d'temps que vous ne vous étiez pas croisés. En partie parce que Marius traînait dans tes pattes. Tu fais claquer ton chewing-gum tout en haussant les sourcils quand, t’aperçoit la masse de paperasses qui repose entre les mains de JS -Osvaldon, mais JS c'est plus court. Faisant semblant de t'y intéresser, t'en attrapes un perdu au milieu des autres, parcours rapidement en diagonale son contenu. Soupir. Qu'est-ce que tu fous ici ? « Marius est parti. Et, devine quoi, je m'ennuuuuie. » Evidemment, tu sais que JS s'en doute, si t'es ici, à te balader sans escorte c'est parce que Marius est absent. Ce dernier étant l'type de bonhomme jaloux et, qui peut même parfois avoir recourt à la violence, tu préfères ne pas traîner en compagnie du sexe opposé lorsqu'il est dans les parages. Puis, comme si c'était la conséquence naturelle de ta tentative maladroite pour faire la conversation avec ton ami d'enfance, « Donc, je viens t'embêter. », chose à laquelle tu excelles -semblable à tout ce que tu entreprends.

Tu l'observes attentivement, essayant de capturer chaque seconde passées en sa compagnie, ces moments se font de plus en plus rares et ça te déchire le coeur de l'intérieur puisque, tu ne vois aucune solution pour remédier à son absence dans ta vie. Tu veux pouvoir te remémorer chaque instant, ce sourire moqueur qu'il arbore constamment, son côté bordélique que rien ne pourra jamais changer, son besoin de se sentir libre, sa franchise et tant d'autres défauts qui font de lui ce qu'il est. Désormais entré dans le monde haut placé du business, il n'en reste pas moins Osvaldon, le type qui fait parti de ta vie depuis aussi longtemps que tu te souviennes. C'est comme une nécessité, un besoin de lui parler, de le voir, de savoir que tu peux toujours compter sur lui n'importe où tu te trouves. Pourtant, tu te dois de contenir tes envies, par respect pour l'homme qui partage ta vie désormais, reléguant JS au rang de passe-temps. Bien que tu apprécies traîner avec lui, tu ne peux en aucun cas le laisser espérer de fausses idées, même si tu te dois d'user des vents les plus monumentales, ce sera un mal pour un bien. « Et toi depuis quand tu traînes dans la bibliothèque de la cité universitaire ? » D'un geste de la main, tu balaies ta réponse, genre 'ça n'a aucune importance' : « Des livres empruntés, à rendre. » Tu aurais tout aussi bien pu ne pas répondre, cela ne l'aurait surement pas étonné te connaissant. Trop souvent tu préfères garder le silence, esquiver les questions ; avare des mots, si tu juges l’intérêt de la conversation au plus bas, tu préfères alors te taire plutôt que de gaspiller de la salive pour le néant. « On devient intimes ? T'as pas besoin de savoir ça sur moi. » Une raison de plus d'apprécier ce con de Martin -en plus qu'il soit terriblement sex bien entendu-, sa répartie est des plus amusantes et, tu aimes les hommes caractériels. Marius, lui, au risque de te perdre, il préfère se la fermer et te gâter. Ce qu'il n'a pas compris c'lui-là, c'est que tu aimes que l'on te résiste. Dommage pour lui, tu es une femme bien compliquée mais, bien heureusement il possède d'autres qualités qui lui procurent un charme incontestable. « Et qu'ais-je besoin de savoir sur toi ? Je sais déjà tout. » Fidèle à toi-même, on ne s'refait pas. Du haut de ton piédestal, tu craches sur ces misérables. Tu te retiens à temps de lui balancer que vous l'êtes déjà, intimes. Trop de sous-entendus pour sa pauvre petite personne, il risquerait de ne jamais s'en remettre. « Donc je suis ton plan B si je te suis bien ? » Serait-ce mesquin de ta part d'acquiescer à sa pauvre et innocente question ? Trop, tard. « C'est exactement ça, tu as tout compris. Tu as, toujours, été mon second choix. » Insistant sur le 'toujours', aïe pour lui, finalement tu aurais mieux fait de te la fermer. Tu comptes sur son ego démesuré pour panser ses blessures, après tout tu te trouvais dans une impasse, jamais tu ne pourrais admettre qu'il est le seul et l'unique auquel tu penses h24 -puisque ce n'est pas l'cas. Tu ne penses à personne, tu ne penses qu'à toi. Répartie beaucoup trop lourde de sous-entendus, de près ou de loin avec ta vie de couple aux côtés de Marius, tandis que lui continue d'enchaîner les conquêtes sans jamais prendre le temps de se poser. Ce type ne sait pas être sérieux, et chaque fille qu'il met dans son lit récolte te donne la nausée. « T'as pas mieux à faire que de rester ici dans une bibliothèque avec moi ? » Son ton de voix te surprend, il paraît réellement sincère et désirer une réponse honnête de ta part. Que répondre ? Non, tu n'as rien de mieux à faire. Et puis même si c'était le cas, chose étrange tu sais que c'est avec lui que tu souhaites être à ce moment précis. Heureusement il continu sans attendre que tu en places une. « Enfin, reste. Pour une fois que je t'ai rien qu'à moi. » Tu en perds ta voix, ne sachant trop que répondre et, étant peu habituée à autant de franchise bien tournée de sa part. Mais, le sourire aux lèvres mettant en toi le doute quant à la sincérité de sa phrase, tu perds pied. Du coup, tu pousses le bouchon un peu plus loin -peut-être trop ? « Sûr ? Je m'en vais si tu veux que je parte. » Tu maudis intérieurement ta voix qui, sans le vouloir a faibli au fur et à mesure que les mots sortaient de ta bouche. Se réduisant presque à un murmure inaudible, pleine de timidité résignée, ta voix en était méconnaissable. « Mais, t'as qu'à venir toi, au lieu d'attendre que c'soit toujours moi qui débarque. » Tu devines ce qu'il va répondre, qu'il ne peut pas, à cause de Marius. D'ailleurs, tu ne les as jamais présenté ces deux-là, ils ne se connaissent pas. Marius ne connait même pas l'existence d'Osvaldon à vrai dire. Tu t'interroges, tu te demandes quel effet ça leur ferait de se rencontrer. Surement pas quelque chose de bon.

« Tu ne sais rien sur moi Nana. » Bon, d'accord, vrai. JS est de ce genre de type, quelque peu lunatique, tu ne sais jamais où l'attendre et tellement peu romantique. Il sait qu'il est beau, il sait qu'il est séduisant, craquant et -presque, la preuve, tu n'as pas encore cédé- irrésistible, ses chevilles ont du mal à passer les portes, sa fierté est telle que l'on ne peut pas l'atteindre. C'est à cause de son accent, ça. Le hollandais, impossible de ne pas succomber. Depuis toute petite tu as toujours aimé cette caractéristique et, enfant, c'était encore plus charmant. En y réfléchissant bien, il est vrai que tu ne sais pas grand chose de lui, rien de concret du moins. Tu connais les grandes lignes de son histoire, tu peux deviner son caractère puisque, le tien et le sien fonctionnent plus ou moins semblablement mais, tu ne connais pas sa couleur préférée par exemple, ni son chiffre porte-bonheur ou son signe astrologique. Enfin, ça, tout le monde s'en fout, non ? Tout à coup, tu sens le dur regard d'Osvaldon, plaisanteries envolées, tu t'interroges sur la nature de ses pensées. Regard chelou, c'est stressant, alors, ni une ni deux, tu lui en fais la remarque. « Arrête, pourquoi tu m'regardes comme ça ? » Tes yeux se dirigent d'eux mêmes... ailleurs, n'importe où, ils se fixent au lointain, balayant la salle du regard, les étagères, les gens qui lisent, tout, sauf le regard pénétrant, sérieux et grave de JS. Tu détestes cette sensation de se sentir analysée, comme s'il pouvait lire en toi lorsqu'il ancre ses beaux yeux dans les tiens -qui défaillent. « Du moment que tout le monde soit satisfait dans l'histoire, c'est pas l'essentiel ? Je suis aussi satisfait avec une fille rencontrée dans un bar qu'avec toi, donc en quelques sortes, t'es mon plan B aussi. » Foutaises. Du moins tu t'en convaincs, tu ne veux pas l'imaginer dans les bras d'une putain trouvée au coin de la rue, il vaut mieux que ça à tes yeux. Personne n'est assez bien pour lui en fait. Ça te fait mal, pincement au coeur, envie de dégobiller l'intégralité de ton petit-déjeuner, rien qu'à l'imaginer en pleine action, en train de se souiller avec la première mièvre qui s'imaginera -après l'avoir fait- l'épouser. Répartie cinglante, claquante, poignard en plein coeur, rappel à la réalité : « La différence avec cette fille rencontrée dans un bar, c'est que moi, tu ne m'auras jamais. » Piquée au vif, tu as pris la mouche. Ce n'est pas dans ton habitude la méchanceté naturelle. Mais tu veux lui montrer qu'il n'a pas plus d'importance dans ton coeur que le boulanger auquel tu achètes ton pain tous les matins. Ainsi, tu ripostes, sans pitié, lui prouvant qu'il n'est rien pour toi mais, peut-être, est-ce bien tout le contraire. Il a voulu jouer, alors soit, tu entres dans la partie. Il est certain -et peut-être bientôt, un jour, prouvé ?- qu'une rencontre entre Marius et Osvaldon pourrait avoir des conséquences fort déplaisantes, rien qui n'augure de bon dans tous les cas. Tu doutes que Marius apprécierait JS, rien que le fait de savoir qu'un autre homme que lui -à part Tobias évidement puisqu'il est ton sang- puisse connaître « sa » Nana mieux que lui-même suffirait à le foutre en rogne pour les cents prochaines années. Homme à l'orgueil démesuré, il veut être le meilleur dans toutes les catégories. Du genre à adorer se sentir envié, adulé, il t'a surement choisie en quelque sorte pour cette raison puisque, ayant eu l'habitude d'être choyée par les chromosomes Y, pas besoin de prouver par a+b qu'en ta compagnie Marius est jalousé. Mais, également très possessif, te voir trop proche d'un autre que lui le fout dans tous ses états. La peur au ventre, que tu ne t'éloignes et que tu piges un beau jour que l'argent ne fait pas l'bonheur et que, si ce n'est son porte-feuille, tu peux facilement aller voir beaucoup mieux ailleurs. « Ah ouais et si je viens, je me fais casser la gueule ? Non, merci. » Ce serait une façon de conclure leur rencontre, pour le moins intéressante. La question est désormais, lequel des deux serait le plus amoché ? Sourire en coin à l'idée que les deux se battent pour ta personne, tu imagines la scène, risible. « T'es un homme ou bien ? » sous-entendu, s'il te veut, qu'il se batte. Sur un ton de plaisanterie, pour l'appuyer tu lui tapes le bras d'une chiquenaude qui se veut virile comme celle que les mâles en rut s’apostrophent pour se saluer, seulement venant de toi cela perd absolument toute crédibilité car avec tes petits poings serrés tu ne fais pas long feu. Tu es même plutôt du genre à te casser un ongle contre ses biceps durs comme de l'acier. Il est bien connu que tu possèdes une force quasi imparable. « Et si je viens, ça ne m'intéresse pas vraiment de te voir, prélassée dans les bras de ton mec. C'est un peu malsain, tu ne trouves pas ? » seulement s'il possède des sentiments plus forts que de l'amitié qui peuvent l'amener à connaître le sensation de jalousie, penses-tu. Intérieurement, heureusement tu ne laisses rien paraître. « Je ne vois pas en quoi est-ce malsain. Explique moi, JS. » Sujet ambiguë et délicat, tu n'as pas envie d'aborder ce genre de conversation qui installe un froid et laisse les gens gênés. Pis, surtout, tu n'as pas envie de connaître la réponse, qu'elle soit négative ou positive, tu sens qu'elle te donnera un coup au coeur auquel tu auras du mal à te remettre.